Lettre ouverte du Sénateur J. Bizet à N. Hulot

J’ai cosigné la lettre ouverte du Sénateur Jean Bizet adressée à Nicolas Hulot, Ministre de la transition écologique et solidaire, suite à l’autorisation accordée au Groupe Total pour exploiter 300 000 tonnes d’huile de palme importée pour produire des biocarburants dans son usine de La Mède.

Lettre ouverte à

 Monsieur Nicolas HULOT

Ministre d’État,

Ministre de la Transition écologique et solidaire

Paris, le 7 juin 2018

Monsieur le Ministre d’État,

Nous avons l’honneur de vous faire part de notre plus grand étonnement en apprenant l’autorisation que vous avez accordée au Groupe Total pour exploiter 300 000 tonnes d’huile de palme importée pour produire des biocarburants dans son usine de La Mède, dans les Bouches-du-Rhône.

Cette décision nous apparaît en effet fort éloignée de vos engagements et de l’ambition environnementale qui forgeait votre personnalité politique.

Vous vous étiez engagé à déployer un plan ambitieux de protection de la biodiversité. Sujet majeur dont « tout le monde se fiche », disiez-vous, vous vouliez même « sonner le tocsin et lancer un cri de mobilisation générale ». Vous restiez en cela fidèle à votre Plan Climat qui entendait faire de la lutte contre la déforestation importée le cheval de bataille de votre action au Gouvernement.

Et nous voici confrontés à l’affaire de La Mède qui nous laisse, à nous parlementaires, un goût amer de défaite avant que la bataille ne soit livrée. Nous vivons ce feu vert accordé à Total comme un renoncement vis-à-vis de nos impératifs écologiques, et une contradiction avec un modèle agricole duquel est exigé proximité, qualité et durabilité.

L’huile de palme est avec le soja la principale source de déforestation dans le monde. En Asie du sud-est, ses ravages sont responsables d’une disparition tragique de la biodiversité locale, d’une violation des intérêts des populations locales, et d’entraves manifestes aux droits humains. Certifiée « durable » par des organismes tiers, l’huile de palme extraite échappe en réalité bien souvent à la rigueur des normes applicables en Europe.

Cette autorisation soulève à juste titre les inquiétudes de notre monde agricole.  Alors que les filières colza et tournesol sont en capacité de produire la matière première nécessaire à cette usine, vous avez choisi de privilégier une huile de palme dont la compétitivité est définitivement hors de portée. Quelle absurdité, Monsieur le Ministre d’État, que d’aller chercher très loin une matière première disponible en France produite dans nos campagnes ! Vous avez l’opportunité de sauver à la fois des emplois à la Mède et en même temps de donner un avenir aux producteurs de la filière colza et tournesol. L’agriculture française est en capacité de produire dès maintenant 200 000 tonnes d’huile de colza pour approvisionner la Mède… Cette proposition récemment formulée près du Premier Ministre est aujourd’hui sans réponse ! En réduisant comme peau de chagrin ses débouchés en huiles, c’est également les coproduits de ces filières que l’on atteint : les tourteaux, qui apportent des protéines végétales aux élevages. La France a su réduire au fil des ans son taux de dépendance aux importations de soja, il est aujourd’hui de 46 %, contre 60 % en moyenne dans les autres Etats de l’Union européenne. Où est donc passée la « stratégie de souveraineté sur les protéines » prônée par le Président de la République lors de ses vœux à l’Agriculture ?

La Mède constitue donc une défaite à plus d’un titre. La lumière devra être faite sur les motivations sous-jacentes à son autorisation, tant la pression diplomatico-commerciale de certains pays semble avoir joué un rôle crucial.

Ce que la France n’a pas voulu faire, l’Union européenne le fera-t-elle ? A l’occasion de la révision de la directive sur les énergies renouvelables, le statut de l’huile de palme énergétique peut être revu. Nous saluons le choix du Parlement européen de neutraliser son utilisation comme biocarburant à l’horizon 2021. Cette réponse est à la hauteur de nos défis environnementaux et des intérêts agricoles européens. Une leçon pour notre Gouvernement ?

Monsieur le Ministre d’État, vous qui regrettez une décision prise « sans aucune gaieté de cœur », ressaisissez-vous. Nous serons derrière vous.

En vous remerciant de toute l’attention que vous voudrez bien porter à notre démarche, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre d’État, à l’assurance de notre haute considération.

Signataires :

–        Jean BIZET, Sénateur de la Manche

–        Bruno RETAILLEAU, Sénateur de la Vendée

–        Jérôme BASCHER, Sénateur de l’Oise

–        Martine BERTHET, Sénatrice de la Savoie

–        Anne-Marie BERTRAND, Sénateur des Bouches-du-Rhône

–        François BONHOMME, Sénateur de Tarn-et-Garonne

–        Bernard BONNE, Sénateur de la Loire

–        Max BRISSON, Sénateur des Pyrénées-Atlantiques

–        Agnès CANAYER, Sénateur de la Seine-Maritime

–        Anne CHAIN-LARCHÉ, Sénatrice de la Seine-et-Marne

–        Alain CHATILLON, Sénateur de Haute-Garonne

–        Marie-Christine CHAUVIN, Sénateur du Jura

–        Marta de CIDRAC, Sénatrice des Yvelines

–        Pierre CUYPERS, Sénateur de Seine-et-Marne

–        René DANESI, Sénateur du Haut-Rhin

–        Mathieu DARNAUD, Sénateur de l’Ardèche

–         Annie DELMONT- KOROPOULIS, Sénatrice de la Seine-Saint-Denis

–         Chantal DESEYNE, Sénateur d’Eure-et-Loir

–        Dominique ESTROSI SASSONE, Sénateur des Alpes-Maritimes

–        Bernard FOURNIER, Sénateur de la Loire

–        Jacques GENEST, Sénateur de l’Ardèche

–        Jean-Pierre GRAND, Sénateur de l’Hérault

–        Jacques GROSPERRIN, Sénateur du Doubs

–        Pascale GRUNY, Sénateur de l’Aisne

–        Alain HOUPERT, Sénateur de la Côte-d’Or

–        Jean-Raymond HUGONET, Sénateur de l’Essonne

–        Benoît HURÉ, Sénateur des Ardennes

–        Corinne IMBERT, Sénatrice de la Charente-Maritime

–        Guy-Dominique KENNEL, Sénateur du Bas-Rhin

–        Elisabeth LAMURE, Sénateur du Rhône

–        Christine LANFRANCHI-DORGAL, Sénatrice du Var

–        Florence LASSARADE, Sénatrice de la Gironde

–        Daniel LAURENT, Sénateur de la Charente-Maritime

–        Antoine LEFEVRE, Sénateur de l’Aisne

–        Dominique de LEGGE, Sénateur d’Ille-et-Vilaine

–        Jean-Pierre LELEUX, Sénateur des Alpes-Maritimes

–        Gérard LONGUET, Sénateur de la Meuse

–        Vivette LOPEZ, Sénateur du Gard

–        Didier MANDELLI, Sénateur de la Vendée

–        Marie MERCIER, Sénateur de la Saône-et-Loire

–        Sébastien MEURANT, Sénateur du Val-d’Oise

–        Brigitte MICOULEAU, Sénatrice de la Haute-Garonne

–        Patricia MORHET-RICHAUD, Sénatrice des Hautes-Alpes

–        Jean-Marie MORISSET, Sénateur des Deux-Sèvres

–        Philippe MOUILLER, Sénateur des Deux-Sèvres

–        Cyril PELLEVAT, Sénateur de la Haute-Savoie

–        Cédric PERRIN, Sénateur du Territoire de Belfort

–        Jackie PIERRE, Sénateur des Vosges

–        Ladislas PONIATOWSKI, Sénateur de l’Eure

–        Christophe PRIOU, Sénateur de la Loire-Atlantique

–        Michel RAISON, Sénateur de la Haute-Saône

–        Jean-François RAPIN, Sénateur du Pas-de-Calais

–        René-Paul SAVARY, Sénateur de la Marne

–        Alain SCHMITZ, Sénateur des Yvelines

–        Bruno SIDO, Sénateur de la Haute-Marne

–        Jean SOL, Sénateur des Pyrénées-Orientales

–        Claudine THOMAS, Sénatrice de la Seine-et-Marne

–        Michel VASPART, Sénateur des Côtes-d’Armor

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