Crise agricole : la majorité sénatoriale à l’action

A l’image des nombreux rassemblements organisés sur le territoire national déclenchés par l’action « On marche sur la tête », les Jeunes Agriculteurs et la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles ont convergé vers le Touquet. 

Riche d’un arrondissement où l’agriculture occupe une place prépondérante, ce sont près de 150 engins qui ont investi la plage. Dans le prolongement de ce regroupement, élus et exploitants issus de différentes filières ont pu échanger et évoquer leurs revendications telles qu’une juste rémunération de leur travail, l’application des lois EgAlim, l’accumulation des normes, le rejet des transpositions ou encore la dérogation sur les 4% de jachères . 

La première salve d’annonces n’avait pas suffi à apaiser la colère des agriculteurs. Au lendemain des mesures avancées par le Premier Ministre, les syndicats majoritaires ont appelé à lever les blocages mais attendent des résultats concrets d’ici le Salon International de l’Agriculture.

Dans un communiqué de presse publié le 26 janvier, j’ai rappelé, en ma qualité de de président de la Commission des Affaires européennes, les mises en garde répétées du Sénat sur l’impact redoutable pour les agriculteurs de la dernière réforme de la Politique agricole commune et de la stratégie européennes « De la ferme à la table ». J’ai également pointé l’urgence d’agir et pressé la Commission de prendre les mesures réclamées de longue date pour desserrer l’étau qui étouffe les agriculteurs : « Notre seul tort est d’avoir eu raison trop tôt et il est malheureux que nous n’ayons pas été entendus. Il aura fallu l’explosion actuelle pour que le diagnostic soit enfin posé et partagé. La Commission européenne doit prendre ses responsabilités et infléchir dès aujourd’hui sa politique agricole, sans attendre les conclusions du dialogue stratégique sur le futur de l’agriculture qu’elle lance seulement aujourd’hui ».

Par ailleurs, en complément des mesures déjà votées au Sénat à l’initiative de notre Groupe et non reprises par le Gouvernement (vote chaque année dans le PLFSS de la pérennisation du TO-DE, vote de la PPL Cardoux en 2019 pour punir les intrusions dans les exploitations agricoles, PPL LR pour calculer les retraites des non-salariés agricoles sur les 25 meilleures années en février 2023, PPL Ferme France votée en mai 2023, PPR s’opposant à l’accord de libre-échange avec le Mercosur votée à l’unanimité en janvier 2024), le Sénateur Laurent DUPLOMB a déposé, mercredi 24 janvier dernier, une PPL « tendant à répondre à la crise agricole ». J’ai tenu à m’associer à son initiative en cosignant cette proposition de loi. 

Composée de 42 articles, cette PPL vise à répondre aux différentes demandes exprimées par les syndicats agricoles depuis la mi-janvier. Elle est structurée autour de 7 axes.

1er axe – Soutenir le revenu des agriculteurs :

  • Hausse des amendes en cas de recours à des centrales d’achat à l’étranger ;
  • Accélération des compensations fiscales à la hausse des taxes sur le GNR, dès 2024 (et non en 2025 comme le prévoit le Gouvernement) : hausse des seuils de la déduction pour épargne de précaution, hausse des seuils d’exonération des plus-values, crédit d’impôt transition énergétique pour la transition des équipements agricoles ;
  • Pérennisation et hausse du taux de base du crédit d’impôt service de remplacement ;
  • Pérennisation du TO-DE et rehaussement du seuil à partir duquel s’applique la dégressivité de cette exonération (de 1,2 à 1,25 SMIC) ;
  • Déduction sur les cotisations sociales pour protéger les éleveurs face à l’inflation de la valeur des stocks.

2e axe – Protéger les agriculteurs des actes malveillants et lutter contre l’agribashing :

  • Protection des agriculteurs contre les recours abusifs pour troubles anormaux de voisinage ;
  • Renforcement des sanctions pénales pour les délits d’intrusion sur une exploitation ou la détérioration des moyens de production agricole ;
  • Extension des infractions pouvant conduire à la suspension des avantages fiscaux normalement applicables aux dons à des associations, lorsque celles-ci ont commis des infractions contre les agriculteurs ;
  • Obligation de porter les dénonciations de pratiques agricoles illégales devant les juridictions compétentes (et non sur des plateformes comme Phytosignal).

3e axe – Renforcer la compétitivité de notre agriculture :

  • Faire de la souveraineté alimentaire un intérêt fondamental de la Nation ;
  • Ajuster les objectifs du plan Ecophyto pour le concilier avec l’impératif de production ;
  • Institution d’un Haut-commissaire à la compétitivité durable des filières agricoles et agroalimentaires, qui participe à la définition et la mise en œuvre des politiques de compétitivité et centralise les difficultés ;
  • Création d’un plan quinquennal de compétitivité des filières agricoles ;
  • Création d’un fonds spécial de soutien à l’investissement et la recherche des petites filières agricoles ;
  • Mise en place d’un Livret Agri (livret réglementé sur le modèle du LDDS pour soutenir les emprunts agricoles) ;
  • Possibilité pour les structures agricoles d’effectuer un diagnostic carbone et de performance agronomique des sols, cofinancé par l’Etat.

4e axe – Lutte contre les surtranspositions normatives :

    • Institution d’un débat parlementaire préalable à la réunion des Conseil de l’UE ayant à l’ordre du jour l’adoption d’accords commerciaux ;
    • Rôle assigné au Conseil d’Etat d’identifier dans ses avis les éventuelles surtranspositions et obligations pour le Gouvernement de remettre au Parlement un document estimant les conséquences financières des surtranspositions identifiées ;
    • Rapport du Gouvernement au Parlement sur le bilan de l’exigence des clauses miroirs dans les échanges entre Etats membres de l’UE et sur les possibilités de généraliser ces clauses miroirs ;
  • Obligation d’association de la profession agricole pour la déclinaison réglementaire des règles de conditionnalité des aides de la PAC et encadrement de la mise en œuvre des règles de protection des zones humides et du maintien des prairies permanentes ;
    • Abrogation de l’interdiction des remises, rabais et ristournes pour la vente de produits phytosanitaires et abrogation de l’obligation de séparation vente/conseil pour les produits phytopharmaceutiques ;
    • Interdiction pour l’Anses de procéder au retrait d’une autorisation préalable à la mise sur le marché d’un produit dont les substances sont autorisées dans l’UE ;
  • Stricte application du droit de l’UE en matière de néonicotinoïdes et suppression de leur interdiction de principe en France ;
  • Encadrement de l’étendue des zones de non-traitement phytopharmaceutiques et différenciation dans la dangerosité des produits.

5e axe – Simplification du quotidien des agriculteurs :

  • Suppression de l’Office français de la biodiversité et rétablissement de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ;
  • Création d’un « comité désherbage » chargé d’évaluer les normes applicables au secteur agricole, placé sous l’autorité du Haut-Commissaire à la compétitivité durable des filières agricoles. Le comité identifie les normes surtransposant les dispositions européennes et propose des simplifications normatives. Il rend un rapport annuel au Parlement pour clarifier les normes fiscales, sociales et environnementales encadrant l’agriculture ;
  • Réputation d’intérêt général majeur pour les projets de stockage de l’eau ;
  • Compétence du Conseil d’Etat pour connaître en premier et dernier recours des recours formés contre les projets biogaz ;
  • Création d’un guichet unique pour les projets biogaz ;
  • Procédure uniforme pour les recours formés par les agriculteurs contre les indices de la loi assurance-récolte en cas d’erreur manifeste ;
  • Objectivisation du classement des espèces dommageables pour les agriculteurs (comme le loup) en s’appuyant sur l’outil numérique développé par les Chambres d’agriculture ;
  • Adaptation des quotas de tirs de loups aux besoins des professionnels agricoles victimes.

6e axe – Simplification de la réglementation des haies :

  • Guichet unique, via les Chambres départementales d’agriculture, pour l’information relative aux règles applicables aux haies, ainsi que pour la délégation de gestion des demandes d’autorisation ou de déclaration ;
  • Alignement de la période maximale d’interdiction de travaux sur les haies, sur la période prévue par le Plan national stratégique de la PAC pour bénéficier des aides ;
  • Dérogations au droit de l’environnement pour les haies, lorsque des arrachages s’inscrivent dans une opération globale visant à augmenter ou maintenir le linéaire de haie ;
  • Définition législative de la haie, adaptable par les préfets aux usages locaux.

7e axe – Soutien à l’élevage :

  • Interdiction de la commercialisation de tout « nouvel aliment », dont la viande de synthèse (au lieu de l’interdiction actuelle de la viande de synthèse limitée à la restauration scolaire) ;

Dérogations possibles, par décret, aux coefficients d’équivalence en surface prévus dans la loi sur le foncier agricole pour permettre aux productions porcine et avicole de s’agrandir.

 

Article précédentAccord européen avec le Mercosur : le Sénat défend les intérêts agricoles français
Article suivantLa pêche, filière trop souvent pénalisée