J’ai déposé une question écrite à l’attention de Madame Sophie Cluzel, Secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, afin de l’interroger sur l’avenir des ESAT.
Texte de la question écrite
M. Jean-François Rapin attire l’attention de Mme la ministre du travail sur l’avenir des établissements et services d’aide par le travail (ESAT), créés par la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.
Dans une lettre de mission en date du 28 mars 2019, plusieurs ministères ont mandaté l’inspection générale des finances ainsi que l’inspection générale des affaires sociales afin de mener une mission relative aux ESAT.
Ces établissements permettent à des personnes lourdement handicapées d’exercer une activité professionnelle dans des conditions de travail aménagées. Ils développent ainsi une palette de méthodes et d’outils de travail adaptés afin de construire des parcours professionnels sur mesure pour les travailleurs concernés. Ils sont également des partenaires économiques reconnus sur les territoires en développant notamment des plateformes d’insertion en lien avec les entreprises locales.
Dans le cadre de la réforme de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), les inquiétudes sont vives quant à l’avenir du secteur protégé dont le modèle pourrait être fragilisé par les nouvelles règles en vigueur. Les associations, parmi lesquelles l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), souhaitent que la mission centrale des établissements de service et d’aide par le travail soit préservée afin d’accompagner au mieux les personnes handicapées dont les capacités de travail ne leur permettent pas, momentanément ou durablement, de travailler dans une entreprise ordinaire ou dans une entreprise adaptée.
Aussi, il lui demande quelle est sa vision, sur le long terme, pour ces établissements, vecteurs d’inclusion pour les personnes en situation de handicap.
Réponse du Secrétariat d’État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées
Le Gouvernement a lancé, au terme de dix-huit mois de concertation avec l’ensemble des acteurs, une ambitieuse stratégie pour l’emploi des personnes handicapées, qui vise à infléchir le double constat d’une prévalence du chômage des personnes handicapées deux fois supérieure à la moyenne nationale de la population nationale et d’un développement de l’exclusion et de la désinsertion professionnelle pour les personnes dont le handicap survient au cours de la vie (80 % des cas).
La construction de parcours professionnels diversifiés et l’accès au milieu ordinaire de travail par un accompagnement tant des personnes handicapées que de leurs employeurs est donc au cœur de cette politique. À cet égard, le Gouvernement n’ignore pas la contribution majeure actuelle des établissements et service d’aide par le travail (ESAT) à la socialisation et à la professionnalisation de près de 120 000 personnes en situation de handicap. La transformation de l’offre médico-sociale doit aussi se décliner dans le secteur des ESAT, en articulation avec les chantiers lancés par le Gouvernement, qui trouvent une partie de leur traduction dans la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel visant notamment à développer les compétences professionnelles des personnes handicapées, en particulier par un accès facilité à l’apprentissage et une amélioration significative du régime du compte personnel de formation pour les travailleurs handicapés en ESAT. La mission conduite par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) a été diligentée dans cet esprit. Dans ses conclusions, la mission réaffirme que l’accompagnement des personnes handicapées par le travail en milieu institutionnel demeure pertinent et doit être maintenu et consolidé par des mesures permettant de mieux répondre aux besoins d’autonomie sociale et professionnelle des personnes en ESAT ou ayant vocation à y travailler en raison d’une capacité de travail réduite. Elle préconise, en outre, une plus grande ouverture des ESAT vers le milieu ordinaire de travail, à la fois pour sécuriser des transitions professionnelles dans lesquelles s’engagent certains de leurs anciens travailleurs, mais aussi pour mettre leur expertise à la disposition des employeurs publics et privés qui recrutent directement des personnes handicapées, mais qui sont demandeurs d’un appui-conseil adapté pour ces personnes afin de lever tout risque de rupture anticipée du contrat de travail et de contribuer ainsi à leur maintien en emploi. Les trente-sept propositions de la mission IGAS-IGF couvrent l’ensemble du champ d’intervention qui a vocation à être imparti aux ESAT et sont actuellement en cours d’expertise.
Il est donc à ce jour tout à fait prématuré de tirer des conclusions ou d’évoquer des orientations qui n’existent pas, et qui lorsque le temps sera venu, feront l’objet de concertation avec le secteur.
En tout état de cause, le Gouvernement est attaché à développer l’accompagnement vers et dans l’emploi des personnes handicapées, à mobiliser les employeurs à cet effet et à lever les freins à des parcours diversifiés, en particulier en matière de ressources et d’avantages connexes. Le 11 février 2020, la conférence nationale du handicap a d’ailleurs acté une mesure incitative forte visant à lever un frein au passage en milieu ordinaire des travailleurs d’ESAT, le relèvement du plafond de la quotité de travail (au-delà du mi-temps) ouvrant droit à une restriction substantielle et durable en emploi (RSDAE) et au maintien d une AAH différentielle lors d une sortie en milieu ordinaire, qui répond à la double nécessité d’inciter les travailleurs d ESAT à occuper un emploi et d alléger la dépense de l’État (P 157) en matière d’aide au poste et d AAH en renforçant la part « salaire » des ressources disponibles.