3 questions à Jacqueline Eustache-Brinio, Sénatrice

Vous avez été rapporteur au Sénat de la loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine. Cette proposition de loi de la majorité a pourtant été censurée dans sa quasi-totalité par le Conseil constitutionnel en aôut dernier. Ne pensez-vous pas que c’était une erreur ? Faut-il, selon vous, légiférer à nouveau sur cette question précise du suivi de terroristes sortant de prison ?

Je regrette sincèrement que le Conseil constitutionnel ait censuré cette PPL. D’ailleurs, je reste encore perplexe quant aux fondements de cette décision. Le Sénat avait énormément conforté la constitutionnalité du texte, car nous connaissions les risques qu’il présentait sur ce plan. Nous pensions avoir apporté à la version votée par l’Assemblée, particulièrement fragile, toutes les améliorations et tous les garde-fous qui nous semblaient nécessaires et ce après avoir longuement auditionné les services concernés. L’accord avec les députés, intervenu en CMP, nous avait permis de garder espoir pour l’aboutissement de ce texte particulièrement nécessaire. Légiférer de nouveau sur ce texte me semble désormais indispensable pour répondre à un phénomène auquel la France devra faire face pour la première fois en garantissant la sécurité des Français, compte tenu du nombre d’auteurs d’infractions terroristes condamnés avant 2016, sous le régime légal antérieur à la promulgation de la loi renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, et qui sortiront de prison dès cette année.

Vous avez également été rapporteur de la Commission d’enquête créée par le Sénat portant sur « la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre » dont les conclusions ont été rendues publiques – après 6 mios de travail et d’auditions – en juillet dernier. Quelles sont les propositions portées par le Sénat qui permettraient de lutter contre l’islam radical ?

Le président du groupe Les Républicains, Bruno RETAILLEAU, a pris l’initiative de proposer la création d’une commission d’enquête sur la radicalisation islamiste, dont j’ai été nommée rapporteur. Le rapport de cette commission, intitulé « radicalisation islamiste : faire face et lutter ensemble », a proposé, en juillet dernier, 44 propositions ayant 2 objectifs, connaître suivre et empêcher l’action de l’islam radical, d’une part, et protéger les droits de l’enfant à l’éducation, dans le sport et dans la vie associative, d’autre part. Il est aujourd’hui extrêmement important de se donner les moyens financiers et humains nécessaires pour combattre l’influence islamiste dans notre pays. Dans le cadre de cette lutte, l’État et les élus locaux doivent prendre toute leur part pour maintenir l’unité et la cohésion de la République et garantir que la loi ne soit jamais remise en cause par des revendications religieuses. La commission a notamment proposé de renforcer les moyens affectés au renseignement territorial, de procéder à une actualisation de la police des cultes, d’élargir le champ de la mesure de fermeture administrative des lieux de culte et de renforcer l’association des maires aux cellules départementales de lutte contre l’islam radical et le repli communautaire. Par ailleurs, il paraît nécessaire de contrôler les financements et le fonctionnement de certaines associations, de mettre en place une procédure de suspension des activités d’une association séparatiste, d’interdire toute démonstration ou propagande politique, religieuse ou raciale au sein des fédérations sportives et de contrôler l’identité et la formation de toute personne ayant des activités auprès des mineurs, y compris dans les établissements hors contrat.

Le futur projet de loi visant à lutter contre le séparatisme devrait être présenté en Conseil des ministres le 9 décembre prochain. Qu’attendez-vous de ce texte ?

Le projet de loi visant à lutter contre le séparatisme est important, mais ne sera pas suffisant pour lutter contre l’islamisme. En effet, il est important que la loi fixe des règles, un cadre, des objectifs, qui permettent aux acteurs d’œuvrer dans le même sens. Mais il appartient à la société toute entière de faire un constat et de l’accepter : il s’agit aujourd’hui d’une mobilisation générale de notre pays, État, élus et citoyens. Sans cela, nous n’arriverons pas à agir efficacement contre cette menace à court ou moyen terme. Il ne faut pas, non plus, laisser de côté la question essentielle de l’immigration qui n’est pas contrôlée dans notre pays.

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