3 questions à Philippe Bas – Crise sanitaire et enjeux

3 QUESTIONS à Philippe BAS,

Sénateur de la Manche, Président de la commission des Lois du Sénat

  1. A l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, vous avez souhaité plus de cohérence et moins d’ordonnances, pouvez-vous nous en dire plus ?

Avec Muriel Jourda, notre rapporteur, Albéric de Montgolfier et René-Paul Savary, rapporteurs pour avis, nous avons eu le sentiment que la crise sanitaire servait de prétexte pour faire passer des dispositions qui n’avaient pas de rapport avec la COVID 19, comme la disparition progressive des Jurys d’Assises remplacés par une justice criminelle professionnelle, ou les mesures liées aux hypothétiques résultats des négociations sur le Brexit, ou encore le placement au Trésor des réserves des organismes privés exerçant des missions de service public. Et nous avons aussi eu le sentiment que le Gouvernement nous forçait un peu la main pour avoir, lui, les mains libres en nous demandant de nous dessaisir du pouvoir législatif pour prendre des ordonnances, et cela sans même nous expliquer ce qu’il comptait faire de ce pouvoir exorbitant. Mais le Sénat ne s’est pas laissé faire : près de 40 habilitations au départ ; moins de 10 à l’arrivée, et en y mettant des conditions strictes sur le fond, avec des délais aussi courts que possible.

  1. Lors de la déclaration du Gouvernement relative aux innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, vous avez souhaité un meilleur équilibre entre la protection de la vie privée et l’utilisation des données personnelles. Qu’en est-il précisément ?

Le Gouvernement nous a demandé de l’autoriser à mettre en place une base de données nominatives nationale alimentée par les laboratoires d’analyse médicale et accessible aux agents de l’assurance maladie, pour leur permettre d’appeler les porteurs du virus et d’établir avec eux une liste des personnes qu’ils ont exposées à une contamination, afin de les prévenir pour qu’elles soient testées et se mettent en quatorzaine ainsi que leurs proches. L’intention est bonne mais nous n’avons accepté ce système qu’en y mettant des conditions (qu’il ne comporte pas d’informations autres que le résultat du test de dépistage ; que toute personne désignée comme ayant été exposée à la contamination ait le droit de sortir du fichier ; que les informations ne soient pas conservées plus de deux mois, qu’une instance indépendante contrôle le système ; que l’on puisse faire rectifier des erreurs ; que le système ne dure que le temps de l’urgence sanitaire…). Il y a aussi l’application « StopCovid ». Nous ne l’avons acceptée que parce qu’elle permet d’être prévenu que l’on a été exposé à un risque venant d’un inconnu dans les transports ou en faisant des courses, mais nous y avons aussi mis des conditions :  transparence, volontariat, contrôle indépendant, anonymat, protection de notre souveraineté numérique…

  1. Le Sénat vient d’adopter une proposition de loi visant à mieux protéger les électeurs et les candidats pour le second tour des élections municipales. Quels sont les principaux points d’attention ?

On peut aujourd’hui aller voter sans prendre de risque grâce à un luxe de précautions indispensable : organisation des bureaux de vote pour permettre d’observer les distances de sécurité, utilisation de gel hydroalcoolique, port du masque, utilisation de stylos personnels. Ces règles, nous souhaitons avec Bruno Retailleau les inscrire dans la loi. Mais pour une partie des électeurs, parce qu’ils sont « à risque », cela ne suffit pas toujours à rassurer. Nous souhaitons donc que l’on assouplisse le régime des procurations : créer un droit à ce qu’un agent assermenté vienne recueillir votre procuration là où vous vivez, permettre à un électeur de voter par procuration pour deux personnes au lieu d’une seule, autoriser un descendant, un frère, une sœur à voter à votre place alors même qu’il n’est pas électeur dans votre commune. Nous sommes même prêts à étudier la possibilité de mettre en œuvre exceptionnellement un vote par correspondance. Choisir son maire, c’est essentiel : tout doit être fait pour limiter l’abstention !

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