3 questions à Mathieu DARNAUD, Sénateur de l’Ardèche Rapporteur du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification de l’action publique Loi dite « 3DS »

1 – Le Sénat est-il parvenu à faire de ce projet de loi un texte à la hauteur des ambitions décentralisatrices initialement affichées par le Gouvernement ?

Je dirai que le Sénat a insufflé au projet du Gouvernement l’ambition qui lui manquait !

Des progrès considérables ont été réalisés grâce aux travaux des commissions des lois, des affaires sociales, des affaires économiques et du développement durable de notre assemblée. Elles se sont largement concentrées sur le renforcement de l’impact réel d’un texte présenté par le gouvernement, globalement décevant au regard des attentes des collectivités en matière de décentralisation.

Dans ce domaine, le Sénat a notamment puisé des éléments dans ses 50 propositions du Sénat pour le plein exercice des libertés locales, qui avaient été présentées l’été dernier puis intégrées dans une série de propositions de lois. Parmi ces dernières, des mesures fortes ont été reprises, visant par exemple à garantir un exercice différencié des compétences au sein du bloc communal par le biais du « transfert à la carte » des compétences, ou à consacrer du principe selon lequel toute décision prise par les administrations de l’État au niveau territorial a vocation à relever du préfet.

Dans une démarche similaire, mais en s’inspirant d’une position encore plus ancienne du Sénat, le texte voté par notre assemblée prévoit aussi la fin du caractère obligatoire du transfert des compétences « eau », « assainissement » et « gestion des eaux pluviales urbaines ».

Malheureusement, la faiblesse initiale du volet financier du contexte a nécessairement limité notre capacité de rénovation et d’approfondissement de la décentralisation – ce sur quoi nous avons interpelé le Gouvernement en séance. En effet, il demeure difficile de parler sérieusement de décentralisation sans parler des moyens qui permettent aux collectivités d’exercer les compétences convenablement et durablement décentralisées. Or, le gouvernement s’est toujours opposé à évoquer la question des ressources des collectivités.

 

2 – Comment le Sénat a-t-il enrichi le texte sur la partie relative à la loi SRU ?


Prenez les obligations de construction de logements sociaux : le texte initial prévoyait la fin de la date butoir de 2025, ainsi que la possibilité d’adapter le rythme de rattrapage du déficit de logements sociaux dans le cadre d’un contrat de mixité sociale qui tient compte de la réalité des situations, conclu entre le maire et le préfet. Le Sénat a fortement enrichi le texte sur trois axes :

  • faire confiance aux acteurs de terrain, particulièrement au couple maire-préfet, pour appliquer la loi SRU. Le contrat de mixité sociale doit être un vrai contrat et son respect doit empêcher la mise en carence des communes, prendre en compte l’ensemble des circonstances locales, associer tous les acteurs du logement social et ouvrir la voie à une mutualisation intercommunale ;
  • lutter plus activement contre les ghettos en n’autorisant plus les logements très sociaux dans les communes comptant déjà plus de 40 % de logements sociaux, en incitant à la construction de logements très sociaux dans les communes déficitaires en les majorant dans le décompte, et en évitant d’attribuer à des publics en difficulté des logements dans des résidences déjà fragilisées ;
  • conforter les organismes de foncier solidaire en faveur de l’accession sociale à la propriété en élargissant et précisant leur champ d’action, sans les dénaturer en un outil généraliste d’aménagement.

Ces propositions adoptées par le Sénat font suite à une consultation des élus et à un rapport de ma collègue Dominique Estrosi-Sassone. Elles répondent aux préoccupations que les maires nous ont fait remonter et permettront une application différenciée et territorialisée des obligations SRU.

3 – Que pensez-vous du volet santé de ce projet de loi, est-il ambitieux ?

Dans sa version initiale non ! Car il ne traduisait pas les enseignements tirés de la crise sanitaire. L’un des articles du texte transforme le conseil de surveillance des agences régionales de santé (ARS) en un conseil d’administration doté de nouvelles prérogatives et confie deux vice-présidences au sein de ce conseil à des représentants des collectivités territoriales.

Le Sénat les a considérés comme insuffisantes et a renforcé le poids des élus locaux afin de consolider l’ancrage territorial des politiques de santé.

Il a ainsi décidé :

  •  la coprésidence du conseil d’administration par le président du conseil régional, aux côtés du préfet de région qui préside ce conseil depuis la création des ARS ;
  • le rééquilibrage des voix au sein de ce conseil entre les représentants de l’État et ceux des collectivités territoriales ;
  • l’ajout des groupements de collectivités à la composition du conseil ;
  • le renforcement des prérogatives de ce conseil –aujourd’hui ciblées sur le vote du budget de l’agence– en soumettant à son approbation (plutôt qu’à son simple avis) le projet régional de santé, document stratégique de planification de la politique de santé à l’échelon régional.
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